mercredi 19 mars 2008

Une journée au CUEJ



Hier j'étais au CUEJ, l'école de journalisme de Strasbourg afin d'assister à l'élaboration d'un quotidien. Il s'agissait d'un exercice, donc pas de distribution à grande échelle auquel participent deux journalistes professionnels : Jean-Michel Dumay (Le Monde) et Christian Losson (Libération). Le journal s'intitule J.ex, pour Journal expérimental.
L'intérêt pour moi d'assister à une telle journée était d'identifier les rôles de chacun, le déroulement de la journée, et de voir comment était conçu un journal, bref de jouer les petites souris en essayant de voir en quoi l'intervention des journalistes pouvait intervenir dans la distorsion de l'information, ou de façon plus générale sur la perception d'une information.


// Compte rendu de la journée

J'avais rendez-vous le matin avec Pierre Louis, un étudiant qui m'a guidé pendant toute la journée dans sa section, mais aussi du côté des radios.

La journée de tout journaliste commence par une conférence de rédaction. Ici, il s'agit d'un quotidien dont le bouclage s'effectuera en fin de journée. La conférence de rédaction a donc lieu à 8H30. L'objectif est double.
Dans un premier il s'agit de lire la Presse parue le jour même, de voir quels sont les sujets qui ont été traités, en comparaison avec ceux qui ont été traités par la rédaction, de voir quels ont été les angles d'attaque, leur intérêt et leur limite, quel article a été placé à la une, etc. Il s'agit à la fois d'une autocritique et d'une critique sur la presse en général.
Puis c'est le moment de déterminé le contenu. On imprime l'agenda de la journée, fourni généreusement par l'AFP sur une machine tout droit des années 80, puis chaque journaliste propose des choix de sujets. Il s'agit de lancer toutes les pistes possibles afin des les réorganiser par la suite. C'est le rôle du Rédacteur Chef qui détermine les sujets en fonction des rubriques du journal (ici les rubriques ne sont pas fixées dans la mesure où il s'agit d'un journal expérimental à vocation pédagogique). Puis chaque article est attribué à un journaliste et à un SR, Secrétaire de Rédaction, qui sera chargé de la relecture du contenu de l'article et de la réécriture au besoin.

Je suis partie en reportage avec Pierre Louis et Guillemette. Le thème : la semaine gastronomique du RU Gallia. Nous avons rencontré le chef cuisinier qui nous a fait visiter les cuisines. Drôle de personnage ! Passionné par sa cuisine et fier de nous montrer ses créations... Puis nous avons interviewé le Responsable du Gallia. Et comme nous étions très dévoués à notre reportage, nous avons mangé là-bas, histoire de tester bien sûr... Une petite interview d'étudiants à la sortie, quelques photos, le tour est joué, le reportage est dans la poche. Ca paraît si simple.

Retour au CUEJ pour la rédaction. Pierre Louis quant à lui est chargé du remaniement ministériel alors on attends patiemment qu'une dépêche tombe. Pendant ce temps là, ça tape dur sur le petit clavier pour écrire les articles. Le Rédacteur Chef veille au respect du timing et réorganise le journal en fonction de ce que lui rapporte ses journalistes. Elle détermine les nombre de caractères pour chaque article (un feuillet = 1500 signes).

En milieu de journée, on fait un point afin de voir comment avancent les articles et déterminer les titres. C'est au tour des SR de prendre le relais. Il leur incombe de déterminer la place de la photo et toute la mise en page ! bref un vrai boulot de graphiste. En fin de journée, c'est le bouclage, les pages BAT sont envoyées à l'imprimeur (à savoir ici l'imprimante dans le couloir).


// Petit tour du côté de la radio

La démarche n'est pas radicalement opposée. Le style est peut-être plus direct, plus incisif car il s'agit d'un média qui diffuse en direct, donc il n'y a pas de possibilité pour l'auditeur de prendre du recul, de revenir sur une information, a posteriori comme c'est le cas pour la Presse.
Au CUEJ, les éléves enregistrent les émissions existantes pour réutiliser et remonter des sons ce qui leur fait l'économie du terrain, un peu plus dur à mettre en place.
Pour la rédaction de leurs sujets, c'est encore l'AFP qui est à la base. Ce qui change, c'est qu'au détour des couloirs, on voit répéter à voix haute les sujets par les élèves.


// Mes impressions de la journée

Ma première impression, c'est que la vision que j'avais du travail du journaliste était un peu trop fragmentée. Le journaliste est à la fois en autonomie par rapport à la rédaction de son sujet, mais il doit aussi être à l'écoute de ses collègues dans la mesure où l'actualité est évolutive au cours de la journée, impliquant de continuelles retouches sur la constitution du quotidien. Des articles prévu à la base seront peut-être supprimés, et dans ce cas il faut trouver un sujet de remplacement, une photographie qui finalement n'est pas intéressante...

Le cas du remaniement ministériel, article dont Pierre Louis avait la charge, était très intéressant pour trois points. En effet, on ne pouvait faire l'impasse sur cette annonce. Mais la dépêche, annoncée pour 15H n'est finalement tombée que vers 20H, heure à laquelle le journal était déjà bouclé. L'article de Pierre Louis est donc resté général.
Il est par ailleurs intéressant de voir du côté des journaux de 20H comment a été traitée l'information qui je le rappelle est tombée à peine quelques minutes avant le début du JT... On peut remarqué que l'information n'est pas tout de suite abordée, peut-être pour laisser un minimum de temps de préparer un nouveau sujet un peu dans la panique...

Par ailleurs, l'article de Pierre Louis prenait pour base les dépêches de l'AFP. Alors comment dans cette mesure faire quelque chose d'original ? Il est allé donc d'autres informations, notamment sur les personnalités des acteurs afin de compléter les informations et d'avoir un angle de vue plus personnel que celui très neutre des dépêches.

Enfin, l'article sur la même page que celui du remaniement ministériel était finalement moins conséquent que prévu. Il a donc fallu revenir à deux reprises sur l'article afin de rajouter des signes. La grande question que je me pose, c'est du coup l'influence du support sur le contenu... car, pour combler un espace vide, il a fallu rajouter des informations périphériques moins importantes, mais qui participent peut-être à diluer l'information dans un flots de mots.


Une remarque intéressante est la différence de prestation entre des journaux dits du "matin" où le bouclage s'effectue en fin de journée, et des journaux dits du "soir", tel que Le Monde, où le bouclage s'effectue en vers 10 heures du matin [voilà peut-être qui explique pourquoi la Une de Le Monde du 11 Septembre était en décalage avec l'attaque des Tours Jumelles]. Il ne faut pas voir ce "retard" sur les événements de la journée comme un point négatif, mais comme une autre vision de l'actualité. Les événements en soirée (où ceux ayant lieu à l'étranger avec un décalage horaire) pourront par contre être traités. Voilà pourquoi Le Monde est un journal où la part d'informations internationales est largement traitée et documentée.











Voilà donc ce fût une journée passionnante dans le merveilleux monde du journalisme. Alors y a-t-il de la distorsion chez les étudiants du CUEJ ? Le mot fait un peu peur. Je dirais que nécessairement il y a distorsion dans la mesure où il y a point de vue et contraintes intrinsèques au support. Bien sûr que la neutralité envers l'information n'est pas possible. Je pense même que cela n'est pas à recherché. L'important est cependant de garder en tête les contraintes liées à la fabrication et de confronter les approches, et donc les médias afin de ne pas rester formaté dans une vision.

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